Dérives en arts-thérapies et dans le champ art / culture / soin / santé – Processus et conséquences
Extrait de l’article d’André Fertier, essayiste et musicothérapeute, à paraître dans la revue du 2ème colloque du SFAT qui s’est tenu en septembre 2024.
Le manque de considération des droits fondamentaux de personnes prises en charge
Dans ces réflexions, j’aborde la culture dans son sens large, anthropologique, concernant donc à la fois les modes de vie et les pratiques culturelles et artistiques. Nombre d’arts-thérapeutes ne me semblent pas toujours prendre en considération certains droits humains fondamentaux qui portent sur la culture au sens large et, parfois, ne les respectent pas.
– Le droit des malades, des personnes handicapées et âgées en manque d’autonomie à l’information, au libre choix de son projet de vie et de son projet de soin, le droit à l’autodétermination.
Divers textes législatifs et réglementaires portent sur ces droits. Ainsi le code de la santé publique indique notamment « Le droit du malade au libre choix de son praticien, (…) de son mode de prise en charge, est un principe fondamental de la législation sanitaire ». Quant à la loi du 11 février 2005 « Égalité des droits et des chances, participation et citoyenneté des personnes handicapées », elle a posé des exigences en matière d’autodétermination, de libre choix dans son projet de vie. Au regard de ces principes, comment les arts-thérapeutes s’interrogent-ils sur les conditions dans lesquelles les patients ont été informés sur ces activités d’arts-thérapies et dans lesquelles la décision de leur participation a été prise ? Les séances d’arts-thérapies font-elles partie comme souvent d’un programme global d’activités collectives et sans objectif thérapeutique individualisé ? De plus, nous pouvons souligner une ambiguïté fréquente entretenue avec les activités d’animation en nommant ces propositions d’arts-thérapies, « ateliers » de musique, de peinture, de danse, animés par des arts-thérapeutes plutôt que « séances », comme il en est l’usage pour la kinésithérapie, la psychomotricité et l’orthophonie. Remarquons également que si le patient a en réalité le désir de participer à des activités artistiques, et de plus en milieu ordinaire, qui n’ont pu lui être proposées ou dont il ne peut bénéficier par manque d’accompagnement et/ou d’accessibilité, il aura finalement accepté des séances d’art-thérapie sans trop s’interroger. Dans ce cas, l’art-thérapeute pourrait considérer que le patient a accepté ces séances en quelque sorte contraint et forcé de par une discrimination culturelle. L’art-thérapie acceptée face à des violations de droits culturels et dans le cadre d’un conflit d’intérêt entre l’art-thérapeute souhaitant placer une prestation et un patient peu conscient de ses droits, ni à même de les faire valoir, est une problématique éthique très récurrente.
– Les droits culturels et la citoyenneté culturelle en référence au cadre réglementaire général et spécifique aux personnes malades, handicapées, âgées, en précarité, en détention, etc.
Les arts-thérapeutes sont peu formés sur les droits culturels qui font partie des droits humains fondamentaux, comme d’ailleurs bien des professionnels d’autres corporations pourtant très concernées, sur la place de l’accès à la culture dans notre développement et sur ses impacts sur notre santé physique et mentale. Ils sont pourtant nombreux à intervenir auprès d’enfants et d’adultes vivant en domicile privé et en institution qui souffrent de carences en nourritures culturelles au quotidien, de privations relatives aux activités artistiques et d’un grand isolement social et culturel. Serait-il alors possible dans le cadre de prise en charge en art-thérapie de ne pas prendre en considération ces situations et les droits culturels qui devraient permettre d’y faire face ? De nombreuses études attestent de ces discriminations culturelles subies par les personnes handicapées et les personnes âgées en manque d’autonomie. A titre d’exemple, l’égalité d’accès au service public pour l’éducation et l’enseignement artistique et la garantie de sa continuité et de son adaptabilité n’ont pas été organisées pour les personnes vivant en isolement contraint (résidents d’EHPAD, de MAS, de prisons et autres structures), contrairement aux exigences constitutionnelles. N’oublions plus que le service public de la culture est un bien commun dont tous les citoyennes et tous les citoyens doivent pouvoir bénéficier ainsi que le préambule de notre Constitution le stipule « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte (…) à la culture ». Les droits culturels ne sont pas de simples principes philosophiques ; certains textes qui les portent ont un caractère contraignant pour l’État et les collectivités.
Les arts-thérapeutes, et d’une manière plus large les personnes engagées dans des actions et des réflexions sur l’agrégat art/culture/soin/santé, sont peu nombreux à alerter sur des conditions indignes de vie culturelle réservées aux personnes vulnérables et sur toutes les discriminations culturelles qu’elles subissent. Pourtant, il serait logique d’entendre sur ce sujet la voix des professionnels qui, justement, attachent une importance considérable à l’art dans ses liens à la santé. Il y a réellement urgence à dénoncer ces discriminations, ainsi que diverses formes de maltraitances culturelles relatives à la qualité souvent déplorable de certaines activités proposées, mais aussi ces violations de droits. Ces dernières peuvent être observées dans des actions liées à des activités d’art-thérapie, lors d’expositions, de communications, de publications, de dons, de ventes, de destructions d’œuvres, sans le respect des droits d’auteurs, du droit à l’image, en l’absence d’autorisation des personnes concernées (…).
Retrouvez cet article dans son intégralité d’ici septembre-octobre 2025 sur https://syndicat-arts-therapeutes.com/boutique/