Et la notion de spiritualité…?

Extrait du Grand livre de l’art-thérapie, Angela Evers, Eyrolles 2010. Chapitre 9, page 205

Dans notre quête contemporaine de sens, c’est-à-dire le désir de se connecter à son intériorité afin de donner une autre dimension à son existence, la spiritualité occupe une place grandissante. Toutefois les contours de ce que le mot spiritualité englobe sont parfois très flous et les rituels inhérents à ces pratiques, qu’elles soient groupales ou individuelles, sont de nature très différentes.  Pendant vingt siècles d’Occident chrétien, la notion de spiritualité, c’est-à-dire ce qui était de l’ordre de l’esprit détaché de toute matérialité, était directement connectée à  la croyance en Dieu. Les mots “religion” et “spiritualité” étaient synonymes. Aujourd’hui la spiritualité est considérée comme une expérience d’épanouissement et de développement personnel, au-delà de toute notion religieuse. C’est un sentiment profondément humain que de s’émerveiller des beautés du monde ou du « miracle  d’exister » sur cette terre, qui n’implique pas forcément de croire en un Dieu!

Entamer une quête spirituelle, tout comme décider de faire une thérapie, ne se décrète pas du jour au lendemain. Parfois les évènements de la vie, la maladie, le deuil, une rupture de lien provoquent le déclic, mais cette quête peut aussi mûrir tout au long de la vie.

Des chemins qui visent une présence à soi avec des « outils » différents.

La spiritualité est une attitude intérieure, une relation verticale à soi, alors que la thérapie et donc l’art-thérapie, s’inscrivent dans une relation horizontale, asymétrique et transférentielle, à l’autre. La spiritualité est bien évidemment du côté de l’art, est dans l’art, en rendant visibles nos questions existentielles, nos émotions et nos préoccupations. La démarche spirituelle, par la méditation, la contemplation, tout comme la création artistique par le processus créatif ou par la contemplation d’une œuvre d’art, impliquent une présence à soi. Bien que n’utilisant pas les mêmes outils, les deux voies nous aident à identifier nos désirs et nos peurs, nos conditionnements et nos attentes afin de définir davantage notre propre vision du monde, notre propre vérité.

La quête spirituelle ne se décrète pas et encore moins ne s’impose…!

Le « connais-toi, toi-même… », s’inscrit-il obligatoirement dans une quête spirituelle ? Le patient qui vient consulter un.e thérapeute amène ce qu’il est, c’est à dire son système de valeurs et de croyances, au sein de la séance et de la relation transférentielle, mais la quête spirituelle, qui n’est pas forcément consciente, ne se décrète pas et encore moins ne s’impose…! Chez certains patients, il existe la tentation d’une forme d’adhésion voire de soumission au système de valeurs, à la « philosophie du thérapeute », et bien sûr cela fait partie du transfert. Toutefois la finalité de toute thérapie est de permettre à terme de se libérer de l’aliénation relationnelle, aliénation qui est d’ailleurs souvent ce pourquoi on vient consulter un psy… D’où l’importance que le thérapeute soit à l’écoute de ce besoin de donner du sens, par la philosophie, la spiritualité et l’art, aux questions existentielles du patient, tout en lui permettant de garder, ou d’acquérir, son libre arbitre.

Dans la spiritualité par la méditation, comme dans l’art-thérapie lors qu’on est absorbé à créer quelque chose, l’évasion par l’imaginaire permet de faire le silence, voir le « vide en soi »  tout en étant présent à ce qui se manifeste sous formes de pensées ou de forme créées.

Le domaine de la création artistique et de l’imaginaire est si vaste que l’on ne peut jamais être blasé, car on n’en a jamais fini d’apprendre et de découvrir, voire de s’émerveiller. Cette notion d’émerveillement mais aussi celle de consolation, le sentiment d’être relié au monde, sont les pierres angulaires de toute vie humaine. La démarche spirituelle et l’art-thérapie ont par ailleurs en commun de ne pas viser « de bon  résultat » au sein d’une séance, mais d’accueillir ce qui vient, sans jugement. Ce qui ne veut pas dire que la thérapie, elle, n’exige pas de résultat ! La séance est à priori exempte de toute notion de compétition, avec les autres comme avec soi-même, mais là encore cela appartient à la personne qui pratique et les attentes qu’elle y met … Parfois il faut d’abord désapprendre à vouloir trouver des réponses et des solutions… Cela est en tout cas vrai pour ce qui touche à la créativité et la création artistique.

Certains arts-thérapeutes utilisent de façon pertinente (c’est-à-dire ayant été formés à ces pratiques), le rêve éveillé,  l’hypnose, la sophrologie, le yoga, la méditation, la visualisation, comme médium d’expression induisant, comme l’acte de créer, un état modifié de conscience. Mais l’art-thérapie est avant tout un accompagnement psychologique avec des outils relationnels et créatifs, qui lui sont propres et qui se suffisent à eux-mêmes ! Je rappelle donc la pertinence du code de déontologie qui définit et encadre notre éthique professionnelle.

Les arts-thérapeutes réfutent tout amalgame ou assimilation avec des pratiques ésotériques, des concepts de pensée sectaire. Il en est de même pour d’autres pratiques à « la mode », comme les cahiers de coloriage, qui portent abusivement le label «art-thérapie».

Spiritualité ou thérapie, ce qui compte c’est le cheminement qui permet de prendre conscience de notre valeur d’être humain, au-delà de nos névroses et de notre ego, au-delà de cette personne que l’on croit être ou devoir être. On touche là à quelque chose de l’ordre de l’humilité, fondement de tout travail thérapeutique comme spirituel. Méditation ou création, il s’agit d’atterrir en soi… pour s’y sentir bien !

Partager cet article